Missak Manouchian, l'Affiche rouge et la panthéonisation

Le 21 février 2024, Missak Manouchian, résistant arménien , est entré, accompagné de sa femme Mélinée, au Panthéon.

Cette ancienne église située sur le sommet de la montagne Sainte Geneviève à Paris est depuis 1791 un monument qui a vocation à honorer les hommes et les femmes qui ont marqué l'Histoire de France.

Ainsi, depuis la Révolution française, des écrivains et philosophes comme Voltaire, Victor Hugo, Émile Zola,  des hommes politiques et des résistants comme Jean Jaures, Jean Moulin, Simone Veil , Joséphine Baker sont entrés au Panthéon.

Biographie de Missak Manouchian

L'Affiche rouge

Affiche rouge, 1944, 123X82 cm, Musée des Invalides.
Affiche rouge, 1944, 123X82 cm, Musée des Invalides.

Contexte historique

Une opération de propagande d’envergure

Constitué et organisé entre la fin de l’année 1942 et février 1943, le réseau Manouchian fait partie du groupe de résistance des « Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée » (F.T.P.-M.O.I.). Composé de vingt-trois communistes (dont vingt étrangers : espagnols, italiens, arméniens et juifs d’Europe centrale et de l’Est), le réseau est l’auteur de nombreux attentats et actes de sabotage contre l’occupant nazi. Le réseau Manouchian tient son nom de son dirigeant : Missak Manouchian.

Arrêtés en novembre 1943, ses membres sont jugés lors d’un procès qui se déroule devant le tribunal militaire allemand du Grand-Paris, du 17 au 21 février 1944. Vingt-deux des vingt-trois membres du réseau sont condamnés à mort et fusillés le 21 février au fort du Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femme du groupe, sera décapitée le 10 mai.

Réalisée par les services de propagande allemands en France, « Des libérateurs ? La libération ! Par l’armée du crime » (aussi appelée « L’affiche rouge ») est placardée dans Paris et dans certaines grandes villes françaises au moment du procès ou le jour après l’exécution (le 22 février). Publiée à 15 000 exemplaires et accompagnée de nombreux tracts évoquant l’événement, elle constitue une opération d’envergure contre la Résistance.

 

Analyse de l'affiche

L’armée du crime

L’image est organisée en trois parties. Barrant le haut et le bas de l’affiche, la question « Des libérateurs ? » et sa réponse « La libération ! Par l’armée du crime » délivrent explicitement le message que veulent faire passer ses auteurs.

Dans un triangle rouge figurent la photo, le nom, l’origine et les actions menées par dix résistants du groupe Manouchian : Grzywacz, juif polonais, 2 attentats – Elek, juif hongrois, 8 déraillements – Wasjbrot, juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements – Witchitz, juif polonais, 15 attentats – Fingerweig, juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements – Boczov, juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats – Fontanot, communiste italien, 12 attentats – Alfonso, Espagnol rouge, 7 attentats – Rayman, juif polonais, 13 attentats – Manouchian, Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés.

Six photos (attentats, armes ou destructions) représentent enfin la menace qu’ils constituent à travers certains des attentats qui leur sont reprochés.

 

Interprétation

L’ennemi de l’intérieur

« L’affiche rouge » entend d’abord présenter les membres du réseau Manouchian comme de dangereux terroristes. La couleur rouge, dominante, évoque leur appartenance politique mais aussi le sang qu’ils ont versé. De même, la présentation des photos en médaillon au-dessus de leur « palmarès » évoque une iconographie criminelle. Qualifié de « bande », le réseau Manouchian se voit ainsi refuser toute reconnaissance politique.

L’image insiste aussi sur le fait que cette « armée du crime » est constituée d’étrangers. Hirsutes, agressifs et patibulaires, ces hommes sont en plus des « juifs », des « rouges », des étrangers. Alors que les actes de résistance se multiplient, les autorités allemandes entendent ainsi persuader les citoyens du danger que ces hommes font courir au pays. Loin de libérer la France (pour la rendre aux Français), ils menacent au contraire de la livrer au chaos et aux puissances néfastes venues de l’extérieur.

 

La cérémonie de panthéonisation de Missak Manouchian